Emblème de Malmedy : dragon et couleurs

Plusieurs usagers ont demandé à la bibliothèque des renseignements sur les couleurs de la ville de Malmedy et sur la présence du dragon dans les armoiries. Pour répondre à ce genre de questions, nous avons l’étude que réalisa Raymond Jacob en 2003, Les armoiries et les couleurs de Malmedy (édité par Malmedy-Folklore).
Loin de vouloir faire ici un résumé de l’ouvrage, nous allons donner des explications sur les deux points évoqués plus haut.

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Le dragon

Comme la majorité des symboles médiévaux, le dragon de Malmedy tire son origine dans la mythologie chrétienne. On le retrouve ainsi dans le récit de la vie de saint Quirin, qui à l’instar de saint Georges ou saint Michel, terrassa un dragon figurant le Mal, et rendant la paix aux habitants du village de Vaux (Île de France).

Car notre Quirin a accompli son miracle en région parisienne. Ayant vécu aux alentours de l’an 100, son corps est déplacé au monastère malmédien, sans doute au 11e siècle. Cette translation de reliques apparaît dans un contexte de tensions sans cesse renouvelées entre les abbayes de Stavelot et de Malmedy qui se disputent la primauté. Et pour gagner à ce petit jeu, la présence de reliques d’un saint célèbre était primordial.
Stavelot possédant les restes de Remacle, le fondateur, les moines de Malmedy cherchèrent à acquérir un saint tout aussi distingué. C’est ainsi que le corps de Quirin arriva des bords de Seine à la vallée de la Warche. Et avec ce corps, tout la légende qui accompagnait le personnage. Dont le dragon.

En 1587, on peut voir sur un sceau des échevins de Malmedy, Quirin, avec un autre personnage, portant l’écu de la ville et piétinant un dragon. Cela semble être la première figuration du fabuleux animal pour notre ville. On le rencontre encore aux 16e et 17e siècles, toujours écrasé par le saint. Ce n’est qu’en 1630 que Fernand de Bavière qui, parmi ses nombreux titres, peut s’enorgueillir de celui de Prince-Abbé de Stavelot-Malmedy, utilise le dragon seul comme symbole de Malmedy. Il fait face au loup de Stavelot – si Quirin amadoua un dragon, Remacle apprivoisa un loup – avec lequel il encercle un blason.
Le loup et le dragon se retrouvent sur les armoiries des princes-abbés suivants.

À partir du 17e siècle, lorsqu’il s’agira de représenter l’écu du monastère de Malmedy seul – encore dans une volonté d’émancipation de l’abbaye-mère stavelotaine -, les moines utiliseront encore le dragon de saint Quirin.
À noter que ces dragons étaient alors représentés en vert et non en noir comme aujourd’hui.

Les couleurs

En 1745, Louis-Félix Rhénasteine, sur demande des autorités de l’abbaye, établit le relevé des éléments héraldiques peints dans l’abbatiale de Stavelot. Il effectue dans ce cadre des dessins en noir et blanc, des descriptions écrites détaillées et quelques copies en couleurs.
Parmi ces illustrations, on retrouve un blason – peint à l’origine sur un mur de l’église – divisé en quatre quartiers représentant chacun une partie de la Principauté sont représentés ; le dragon des moines de Malmedy est en vert sur fond doré, le sol est vert lui aussi. Le modèle daterait des alentours de l’an 1655.
Dans une autre copie à la mine de Rhénasteine, le commentaire l’accompagnant stipule que les couleurs du quartier malmédien sont « d’or, au dragon de sinople […] sur une terrasse de sinople ». À savoir que dans le jargon héraldique, sinople signifie vert.

Voilà la première mention colorée de notre dragon.

De cette période à la Révolution française (1794 à Malmedy), le dragon ne change pas. Ensuite, il disparaît.
Raymond Jacob l’explique bien : le dragon était l’emblème des moines de Malmedy. L’autorité n’étant plus, l’emblème n’est plus.
La ville sous régime français et puis prussien à partir de 1815, Malmedy n’a plus d’armoiries officielles jusqu’en 1926 où l’on adoptera celui que nous connaissons, c’est à dire dragon noir sur fond jaune et avec un sol vert.

Noir ? D’où vient donc ce noir alors qu’on n’y a vu que du vert ? Simplement d’une erreur.

Au milieu du 19e siècle, les Malmédiens se rendent compte que leur ville n’a plus son blason, malgré l’autorisation aux villes de l’empire par le pouvoir prussien d’utiliser leurs anciennes armoires. Malgré encore que d’autres villes de la région l’ai fait. Pire, on constate que l’on a oublié à quoi elles ressemblaient.
En 1848, Arsène de Noüe, journaliste et historien local, s’est donné pour mission de retracer l’histoire de la principauté. Au cours de ses recherches, il retrouve des documents mentionnant les sceaux des anciens princes-abbés. Malheureusement, Noüe n’a pas pu voir les originaux ni lire les descriptions de Rhénastène et s’est contenté de documents de seconde main qui détaillaient le dragon de façon fantaisiste. Car il existait des versions anciennes montrant un dragon noir, des versions dont Jacob montre bien le manque de véracité.

Ainsi apparut le noir à côté du jaune et du vert.

C’est encore Arsène de Noüe à qui l’on doit, en 1881, le premier drapeau malmédien. Les couleurs restèrent, leur ordre changea souvent. En 1969, le drapeau fut officiellement définit par des bandes horizontales noire, jaune et verte (de haut en bas).
On retrouve quelque fois le même ordre verticalement, selon la contrainte.

Les armoiries et les couleurs actuelles

À partir de ce moment, on commence à réutiliser les anciens emblèmes de manière officielle. Des sociétés emploient le dragon, tout comme l’administration communale sur son cachet de 1886. On trouve de nombreuses discordances (couleurs, détails etc.) avec le blason de l’ancien monastère, mais l’idée est là. Les différents services de la villes, avec adaptations de plus en plus fidèles à l’original, l’adapteront à leur tour.

C’est sous le gouvernement Baltia que sont créées les armoiries telles que nous les connaissons et qui seront reconnues par arrêté royal de 1926 : d’or à un dragon de sable sur un tertre de sinople. L’écu posé sur une épée d’argent garnie d’or la point en bas et une crosse d’or passées en sautoir et sommé d’une mitre de même. [Les crosses, épées et mitres sont des attributs religieux et civils relatifs aux princes-abbés que l’on trouvait déjà sur la plupart des blasons.]Blason Malmedy 478x661
Ce sont ces mêmes armoiries qui seront utilisées par la commune de Malmedy nouvellement fondée en 1975 suite à la fusion des communes de Malmedy, Bévercé-Xhoffraix et Bellevaux-Ligneuville. À noter, comme Jacob le dit bien, qu’aucune distinction n’est faite entre les armoiries de la Ville et de la Commune.

De légers détails ont fait évoluer le dessin, avant qu’en 2002, le conseil communal ne revint définitivement à l’arrêté royal de 1926 (cf. ill. ci-dessus).

 

Orientation bibliographique

George, Philippe, Reliques et arts précieux en pays mosan, éditions du Céfal, 2002
George, Philippe, Saint Quirin de Malmedy. Pour une histoire de son culte dans De l’occident médiéval à l’Europe contemporaine, Malmedy Art & Histoire, 1997, p. 173-176
Jacob, Raymond, Les armoiries et les couleurs de Malmedy, Malmedy-Folklore, 2003
Krings, Philippe, Saint Quirin à Malmedy dans Malmedy-Folklore, t. 58 (1999-2000), p. 193-219
Van Heurck, Émile, Le culte de saint Quirin à Malmedy dans Bulletin de la société verviétoise d’archéologie et d’histoire, t. 23 (1930), p. 75-81

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